Mr : BESSAI RACHID
UNIVERSITE ABDERRAHMANE MIRA – BEJAIA
Introduction
Les analyses sociologiques contemporaines de la modernité reconnaissent le caractère croissant de l’incertitude à notre époque. Ce constat est attesté par la montée des affaires traitées actuellement en termes de risque, ainsi que par la mise en place de dispositifs institutionnels, dont le principe de précaution, pour affronter cette situation. Notre société est paradoxale : de moins en moins dangereuse, mais de plus en plus risquée. La prolifération contemporaine de la notion de risque s’attache à la fois aux grandes menaces planétaires (destruction de la couche d’ozone, échauffement climatique, pollution …), et aux comportements individuels qui véhicule notre quotidien (tabagisme, conduite automobile…). Les risques écologiques ou technologiques révèlent le fossé qui sépare les experts des profanes et suscitent de nouvelles exigences démocratiques, tandis que les risques individuels modifient notre façon de concevoir nos rapports avec autrui.
Par exemple, le tabagisme est devenu un enjeu central de la santé publique, un risque sanitaire majeur qui touche notre société. Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), le tabagisme est considéré comme étant un danger qui tue près de quatre millions de personnes par an, donc il reste le seul produit légal de consommation qui tue la moitié de ses utilisateurs.
Le cas du tabagisme illustre clairement les analyses des sociologues qui font du risque un trait distinctif des sociétés contemporaines. Nous vivons dans un monde plus sûr, mais plus risqué. Fumer, traverser la rue, manger ou conduire sont devenus des risques, cela témoigne ainsi de la multiplication du risque dans notre ordinaire. Autrement dit, le risque n’est plus une menace extérieure, mais bien un élément constitutif de la société. Car si nous ne vivons pas dans un monde plus dangereux qu’auparavant, le risque est désormais beaucoup plus qu’une menace : il est devenu la mesure de notre action. Face à cette contrainte la “société du risque ” fait de l’avenir la question du présent.
Les questions principales auxquelles nous tenterons de répondre peuvent être formulées comme suit : pourquoi le risque occupe-t-il aujourd’hui une telle place dans notre société ? L’opinion publique est-elle irrationnelle ? Peut-on considéré le risque comme un danger qui se reproduit rapidement à travers plusieurs formes ? Quels sont les facteurs de risque et ses conséquences sur notre société fragilisée par la violence ? Et enfin existe-t-il une dimension culturelle explicative pour la société du risque ? C’est notamment autour de ces questions très actuelles que se focalise notre intervention qui sera répartie en quatre points suivant :
1- Le risque est un danger qui se reproduit.
2- Violence et multiplication des facteurs de risque.
3- L’amplification sociale du risque et ses conséquences.
4- Les dimensions culturelles de la société du risque.
1- Le risque est un danger qui se reproduit.
Certains sociologues considèrent notre monde est plus dangereux, les progrès de la médecine, la technologie et le développement économique ont nettement amélioré notre sort, mais cela ne met pas notre vie à l’abri, car l’instauration de la sécurité sociale témoigne de la prolifération du danger quotidiennement.
La notion de risque ne renvoie pas à un ensemble déterminé d’évènements semblables, mais elle renvoie à ses dimensions invisibles « En soi, rien n’est un risque, il n’y a pas de risque dans la réalité. Inversement, tout peut être un risque ; tout dépend de la façon dont on analyse le danger, considère l’évènement »Ewald, 1996.
La reproduction rapide du risque est donc d’abord verbale. Elle résulte avant tout des efforts d’une proposition : les assureurs par exemple, ne se contentent pas de constater passivement des risques, ils cherchent à étendre constamment leur champ d’activité en créant des risques, c’est-à-dire en définissant comme tel des dangers et en proposant de les assurer. L’activité des assureurs souligne l’un des paradoxes de la notion de risque. Conçue initialement comme un outil de réduction de l’incertitude. Autrement dit cette notion contribuerait à fabriquer du danger et à rendre toujours notre monde plus risqué.
Certains spécialistes des risques nous donne même une liste d’évènements qui sont désormais considérés comme des risques et des dangers qu’il s’agit d’assurer (la vieillesse, la pauvreté, l’invalidité, le chômage, agressions, vols, conduite automobile…), sont des évènements ont été mise en risque, et même d’autre risques naturels menace notre planète comme les séismes, les avalanches et les inondations.
Donc la prolifération du risque a pris une autre dimension, celle du danger. Selon quelques sociologues la notion du danger peut remplacer la notion du risque, car tous les risques sont définit comme des dangers qui se reproduits dans la société sous plusieurs formes sans qu’il y’a des causes derrière. Toutefois, pour que le risque prenne le pas sur la faute, pour que l’assurance se substitue à la justice, il ne suffit pas de reconsidérer le danger dans le registre de l’accident. Encore faut-il que cet accident soit suffisamment prévisible pour que l’assureur puisse calculer la prime correspondante. Pour que celui-ci puisse efficacement intervenir, il doit être capable d’estimer le danger, de qualifier ses deux versants : d’une part il lui fait prévoir le nombre d’accident qui auront lieu chaque année, d’autres part il doit évaluer le coût financier des dommages correspondants.
Cette capacité à convertir un dommage en un montant monétaire est caractéristique d’une société marchande où l’argent est devenu un « équivalent universel », qui sert à objectiver toutes valeurs. Quand à la prévisibilité de l’accident elle repose sur deux piliers : la mise en place de la statistique administrative d’une part, le développement de calcul probabiliste d’autre part.
Si la notion de risque prolifère, les risques prolifèrent eux aussi. Selon le sociologue Allemand ’’Ulrich Beck’’ les sociétés moderne produisent en même temps des richesses et des risques, le progrès scientifique et le développement industriel engendre ce que les sociologues appellent « la multiplication des facteurs de risque » c’est-à-dire lorsque l’industrie progresse, elle rende possible la prolifération de plusieurs risques.
D’après ’’Ulrich Beck’’ il existe d’autres facteurs facilitent cette prolifération, au premier rang desquels l’imperceptibilité des nouveaux risques. Les risques propres à la civilisation contemporaine échappent à nos perceptions, ils restent tapis dans les formules des physiciens et des chimistes.
Seule la science peut les appréhender, en mobilisant son arsenal de théories, d’expériences et d’instruments de mesure. Encore faut-il qu’elle s’en donne les moyens : Beck est très sévère avec les science dont il dénonce « l’union illégitime » avec les intérêts politique et économique. La science aurait même facilité la prolifération des risques technologiques (qui échappent à l’évolution probabiliste, provoquent des dommages souvent incalculables et irréversibles) pouvaient être gérés avec les outils en réalité dépassés de l’actuaire et de l’assureur.
Pour Beck, la dilution de la responsabilité favorise aussi la prolifération des risques. Il dénonce un système social perverti par une division du travail extrême, où tout le monde est complice mais où plus personne ne peut tenu pour responsable, sous prétexte qu’il dépend d’autres acteurs qui eux-mêmes dépendent de lui : qui est responsable de la pollution du sol par des engrais chimiques ? Les agriculteurs qui les utilisent, les industriels qui les produisent ou les politiques qui les autorisent ? Toutefois, l’invisibilité des nouveaux risques semble bien être le facteur déterminant de leur prolifération, dans une société qui valorise la réussite matérielle, donc une « culture du visible » : « la course entre les richesses perceptibles et les risques imperceptibles et jouée d’avance : un male invisible. Paradoxalement, c’est justement pour cette raison que les risques finissent par l’emporter. L’occultation des risques, de toutes façons invisibles, qui trouve toujours sa justification dans la satisfaction d’un besoin matériel, constitue le terreau culturel et politique sur lequel les risques croissent, éclosent et prospèrent, le caractère tangible des besoins supprime la perception des risques, mais pas leurs réalité ni leurs effets, de sorte que les risques niés sont ceux qui prolifèrent le plus vite.
La conception du risque selon U.Beck est considérée comme contemporaine, car il suggère que le risque est d’une nature nouvelle et entraîne une redéfinition de la dynamique sociale et politique en devenant un critère supérieur à la notion de répartition des richesses, qui structurait jusque là notre société. Autrement dit, le risque n’est plus une menace extérieure, mais bien un élément constitutif de la société. Le mot risque est connoté d’une acceptation beaucoup plus large que l’idée d’un risque technologique majeur, mais il met alors sur le même plan, ce qui peut être critiquable, risques industriels (modernité réflexive), incertitudes scientifiques (risques scientifiques) et insécurité sociale (individualisation).
Selon U.Beck, «la science devient de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisante à l’élaboration d’une définition socialement établie de la vérité» (p.343).
Aujourd’hui ce n’est donc pas l’ampleur du risque qui change mais sa «scientificisation» qui ne permet plus de se décharger de ses responsabilités en accusant la nature. On sait que le risque est généré par la société industrielle elle même et généralisé au delà de l’organisation traditionnelle de la société en classes, production et reproduction, partis et sous-systèmes. Mais les formes traditionnelles, sociales, institutionnelles et familiales de maîtrise de l’insécurité n’étant plus assurées dans la «société du risque»,
Ulrich BECK pense que la modernité est devenue réflexive et fait basculer notre société industrielle vers une société de risques. Dans les sociétés traditionnelles, les gens luttaient contre un mal bien visible : la pauvreté. Aujourd’hui notre société doit lutter contre un mal invisible et donc plus insidieux : le risque. Au XIXe siècle pour lutter contre la pénurie, les hommes ont dû créer des richesses mais en créant ces richesses ils ont aussi crée des risques, ce qui permet de dire qu’il est difficile de lutter contre les risques car ils sont invisibles alors qu’ils naissent la plupart du temps lors de la lutte contre la pénurie.
Les risques entraînent des problèmes sociaux, qui touchent souvent les faibles, Car il est impossible à quelqu’un de se défendre contre la pollution d’une usine par exemple. Donc les risques touchent dans un premier temps les gens les plus démunis car il est toujours plus facile à accepter un risque quand il permet de trouver du travail c’est pour cette raison que les industries hautement polluantes sont délocalisées dans les pays du tiers-monde car ces pays pour résoudre leur chômage de masse sont plus disposés à fermer les yeux sur les conséquences de la pollution de ces usines. Les seules personnes compétentes pour traiter des risques sont les scientifiques. Se sont les seuls capables de gérer le problème des risques mais pour beaucoup d’entre eux ne voient que l’intérêt de la technique (donc le leur) et de l’économie, ils ne se soucient pas des impacts dramatiques de la pollution sur l’environnement et sur la vie des individus.
Du point de vue politique, il est impossible de lutter contre les dangers de la pollution d’une usine en particulier car cette pollution peur être due à différents facteurs donc on ne peut pas accuser une industrie, les gens doivent donc continuer à subir les conséquences de la pollution. Les risques sont partout et ceci est rappelé à l’homme à chaque fois que la nature est touchée. Le problème devient un problème international, en effet les polluants ne sont pas stoppés aux frontières, il faudra donc arriver à une politique internationale sur l’environnement. La société du risque ne dépendent pas de notre naissance tout le monde peut être touché. Car même si les risques sont invisibles ils peuvent entraîner plusieurs problèmes. Nous sommes face à des menaces invisibles mais potentiellement bien réelles.
En effet, aujourd’hui le chômage de masse est une réalité, il est vécu aujourd’hui comme un échec personnel et individuel et non plus comme un destin de classe. Personne n’est à l’abri du chômage, même une bonne formation ne protège plus du chômage, chaque individu peut faire l’expérience du chômage à un moment donné de sa vie, il existe malgré tout des catégories de personnes qui sont plus touchées que d’autres.
2- Violence et multiplication des facteurs de risque.
La notion de risque induit aussi une nouvelle conception du lien causal. Nous avons vu qu’un risque est un danger accidentel. Toutefois ce danger n’est pas purement aléatoire, dans la mesure ou sa probabilité d’occurrence varie selon les individus et selon les situations. Si chaque accident de la route reste un accident au sens fort, et peut survenir à n’importe quel conducteur, il n’est pas moins vrai que les jeunes hommes en sont plus fréquemment victimes. De même, si le cancer du poumon peut atteindre des non fumeurs, et si au contraire de nombreux fumeurs n’en sont pas atteints, il n’en n’est pas moins vrai que cette maladie touche plus souvent les fumeurs. A chaque risque sont ainsi associés des « facteurs de risque », caractéristiques dont la présence accroît la probabilité d’occurrence du risque, mais sans en constituer une cause nécessaire et suffisante. C’est ce que savent depuis longtemps les assureurs, ce qui explique que les primes d’assurance ne soient pas égales pour tous.
Constituer un danger en risque, c’est donc considérer qu’il n’a pas une cause simple, nécessaire ou suffisante, mais une multiplicité de causes probables, de « facteurs de risque ». En outre, il n’est même pas nécessaire que le lien entre un risque et l’un de ces facteurs soit compris. C’est en cela que la statistique est une « science d’ignorant » : elle met en évidence des relations chiffrées, souvent interprétées comme des liens de cause à effet partiels, mais sans fournir de clé pour les comprendre. C’est ce que souligne Daniel Schwartz avec humour, au sujet des premières enquêtes épidémiologiques qui visaient à démontrer le lien entre tabagisme et cancer bronchique.
En fait, le nombre de facteurs de risque théoriquement envisageables pour un risque donné est incalculable, il croît directement en rapport avec notre capacité à recueillir et traiter les informations chiffrées : le monde est de plus en plus risqué, car notre capacité à mettre en évidence de nouvelles corrélations statistiques augmente chaque jour.
Selon quelques chercheurs le risque zéro n’existe pas, si un effet a une cause unique, nécessaire et suffisante, il suffit d’agir sur cette cause pour supprimer l’effet. En revanche, si cet effet a une multitude de causes partielles, de surcroît plus ou moins indirectes, il n’est plus possible de le prévenir de façon exhaustive. Ainsi, pour se prémunir de tous les facteurs de risque connus du cancer, il faudrait adopter un régime alimentaire drastique, filtrer son eau, filtrer son air, limiter son exposition au soleil, éviter certaines matières pour ses vêtements, certains matériaux pour son habitation, tout cela en restant à l’affût des études épidémiologiques qui détectent régulièrement de nouveaux facteurs de risque, et sans être vraiment sûr d’avoir bien contrôler tous ces facteurs.
Bref, la notion de risque ne fait pas vraiment l’économie de la cause, elle la disperse plutôt ; et si elle permet de dompter l’aléa, elle ne saurait l’éradiquer : le risque zéro n’existe pas. Ce constat douloureux fait suite à l’échec relatif des politiques publiques dans divers domaines (sécurité routière, assainissement urbain, risques naturels…), constat qui a marqué une inflexion notable de ces politiques : à partir des années quatre vingt-six, il ne s’agit plus d’éliminer le risque, mais plus modestement de le gérer.
Un risque, c’est donc un danger d’un type bien particulier. C’est un danger dont on considère qu’il est aléatoire, sans cause. C’est un danger dont il s’agit moins d’imputer les occurrences futures. Paradoxalement, sa prédiction est rendue possible par son caractère aléatoire : l’aléa obéit à des règles, que le recueil statistique et le calcul probabiliste permettent de saisir. La notion de risque apparaît donc comme un réducteur d’incertitude, caractéristique de l’activité prospective d’un individu qui cherche à maîtriser son avenir ou celui des autres, à l’instar de l’assureur ou de l’actuaire. Le risque c’est enfin un danger qui prolifère, dans la mesure où cette notion induit une multiplication, donc une dispersion des liens causaux.
3- L’amplification sociale du risque et ses conséquences.
Le débat sur l’amplification sociale du risque reste l’une des questions majeures traiter par les sociologues contemporains, qui mettent en cause les médias, coupables de s’emparer des incertitudes des scientifiques pour nourrir un véritable cercle vicieux. De nombreux experts ajoutent que les médias entretiennent aussi les craintes irrationnelles du public, lequel pousserait ensuite des politiques sous pression à prendre des mesures réglementaires ou législatives excessives. Ces mesures pénaliseraient les entreprises, qui se considèrent souvent comme victime d’un harcèlement textuel.
Ces mesures peuvent aussi s’avérer contre-productives : en luttant contre un risque faible mais très médiatisé, on en favoriserais d’autres, plus dangereux. Ainsi Mourice Tubiana(1998), note que la focalisation excessive du publique sur les possibles effets secondaires du vaccin contre l’hépatite B a conduit à interrompre la compagne de vaccination. Autre exemple : Jean-François Girard (1998), ancien directeur général de la santé, raconte comment la médiatisation excessive d’un virus présent aux Antilles mais très rare en métropole à obligé l’Etat à généraliser son dépistage pour tous les dons de sang, pour un coût total de 110 millions de francs, et un gain espéré d’une vie humaine tous les 40 ans (contre 400 vies si la même somme avait été consacrée au dépistage du cancer).
D’autres spécialistes s’intéressent aussi aux conséquences du risque dans notre société. Selon le sociologue Roger Kasperson (1998), il existe plusieurs effets secondaires de l’amplification sociale du risque, il admet que la perception d’un risque n’est pas réductible au simple produit de sa probabilité d’occurrence de la gravité de ses conséquences. Kasperson, tente d’intégrer dans son approche les dimensions sociales et psychologiques de la perception des risques, pour comprendre comment un risque est amplifié ou au contraire atténué par l’opinion publique (qui peut être sensible à son caractère spectaculaire, à son fort potentiel catastrophique, au fait que les victimes ont été exposées à leur insu suite à des négligences coupables des autorités…). L’amplification ou l’atténuation d’un risque dépend bien sûr beaucoup des médias. Donc les effets secondaires d’un risque peuvent se révéler très importants lorsque celui-ci est amplifié. Par effets secondaires, il faut entendre ici les répercussions d’un risque au-delà de ses seules victimes immédiates.
Pour argumenter ses explications, Kasperson nous donne l’exemple de l’accident survenu au Brésil. En 1987, dans cette ville de près d’un million d’habitants, deux chômeurs fouillent une clinique abandonnée, en quête d’objets à récupérer. Ils trouvent un cylindre métallique et le revendent à un ferrailleur. Celui-ci réussit à l’ouvrir, en extrait des pastilles de césium 137 qui passent entre les mains de nombreux de ses proches. Plusieurs enfants manipulent ces jouets fluorescents. Bilan : 250 personnes mises en observation, 21 hospitalisées et 4 décédées dans les mois qui suivent, ainsi que 42 logements contaminés. Traité comme un fait divers mineur par un journal local, ce grave accident sera par contre longuement repris par une grande chaîne de télévision nationale, puis par la presse nord-américaine, avec des titres très accrocheurs (lueur mortelle, un carnaval empoisonné). Durant les semaines suivantes toute la région environnante est paniquée. Pour l’Europe, les crises de la vache folle survenues d’abord en 1996 puis en 2000 illustrent de tels effets secondaires : conséquences politiques, économiques et sociales.
De tels exemples illustrent clairement la notion d’amplification du risque. Donc ce dernier est un fait réel, objectif, qui est amplifié, mais aussi déformé par les médias et le public. Face à ce constat on pourrait même défendre le point de vue inverse, c’est que les experts et les autorités n’ont-ils pas diminué le risque ?
Ce constat aussi résume plusieurs dizaines d’études menées par des psychologues et des économistes auprès de cobayes divers, sollicités pour évaluer des risques concrets ou jouer à des loteries expérimentales qui permettaient de révéler comment ils parvenaient ou non à utiliser le calcul probabiliste pour optimiser leurs chances de gains. Il ressort de ces études que nous surestimons la fréquences des éventements spectaculaires ou très médiatisés (par exemple les catastrophes aériennes, les homicides) tandis que nous sous-estimons les menaces plus discrètes (accidents de la route, maladies). En outre, nous commettons des erreurs dans le maniement des probabilistes ou des informations qui permettent de les évaluer.
Dans un article paru dans l’année sociologique, en 1996 Gérard Bronner revient sur ces expériences, pour montrer qu’elles peuvent s’appuyer sur des « bonnes raisons » au sens de la rationalité cognitive de Raymond Boudon (en s’inspirant de la sociologie compréhensive de Max Weber, Boudon soutient que les individus sont capables de justifier leurs actes en les appuyant sur des arguments convaincants, même s’ils ne sont pas forcément justes : en ce sens, les individus font preuve d’une « rationalité cognitive »).
4- Les dimensions culturelles de la société du risque.
Si les sociétés contemporaines sont marquées par la prolifération des risques, cela ne signifie donc pas forcément qu’elles sont plus dangereuses : c’est d’abord notre rapport aux danger qui a changé, autrement dit notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. Même si les grandes menaces actuelles diffèrent des dangers du passé, il ainsi plus précis d’évoquer une « culture du risque » cette dernière s’appuie sur le calcul probabiliste. Dans les années quarante, des scientifiques éminents comme Emile Borel (1943) et Marcel Boll(1942) appelaient de leurs voeux une réforme des programmes scolaires : pour eux, étant donnée l’importance du calcul probabiliste dans la vie quotidienne, son enseignement devait devenir obligatoire.
Les opinions et les attitudes à l’égard des risques dépendent aussi des valeurs auxquelles nous croyons, de la culture à laquelle nous adhérons. Ce biais culturel rend souvent inefficace les arguments scientifiques, car il situe le débat à un autre niveau. La conception culturelle du risque peut être abordé de deux points de vue. D’une part, notre culture nous fournit un cadre de perception spécifique, qui détermine la façon dont nous appréhendons le monde qui nous entoure, dont nous interprétons les informations qui nous parviennent, et donc aussi la façon dont nous évaluons un risque. D’autre part, nos valeurs donnent un sens aux risques qui nous entourent, elles les chargent d’une signification particulière, de sorte qu’à chaque culture correspondent des « bons » risques qu’il convient de courir et des « mauvais » risques qu’il faut éviter.
L’anthropologue Britannique Mary Douglas dans ses analyses culturalistes du risque, nous propose quatre types culturels selon lesquels les perceptions du risque sont varier : la structure hiérarchique, l’individualisme, le sectarisme égalitaire et l’isolement. Avant d’expliquer ces quatre types, Douglas met l’accent d’abord sur deux dimensions essentielles de toute organisation sociale : d’une part le degré de structuration interne d’un groupe, d’autre part la délimitation qui le sépare du reste de la société. En croissant ces deux dimensions, elle met en évidence quatre types organisationnels suivants :
1- la structure hiérarchique (dont l’archétype est la bureaucratie), caractérisée par une frontière marquée entre groupes sociaux et, à l’intérieur du groupe, par des relations hiérarchisées et une différenciation des statuts et des rôles. Elle constitue habituellement la communauté centrale de toute société.
2- L’individualisme correspond à une organisation peut structurée aux frontières peut marquées. Par exemple, sur un marché, dans une situation de concurrence parfaite, les entrepreneurs constituent un collectif non structuré, non hiérarchisé (il ne sont pas liés entre eux par des relations de subordination) et sans frontière (l’entrée sur le marché est libre).
3- Le sectarisme égalitaire renvoie à des petits groupes fermés, qui s’isolent du reste de la société, et qui instaurent entre leurs nombres des relations égalitaires.
4- L’isolement définit une situation dans laquelle des individus subissent une situation de subordination très marquée vis-à-vis du reste de la société, tout en étant incapables de s’organiser entre eux, et donc développer un sentiment identitaire qui pourrait contribuer à mieux fixer la frontière qui les en sépare.
Fort hiérarchisation
Isolement, Structure hiérarchique,
Exclusion Bureaucratie
Pas de frontière frontière marquée
Intergroupes
Individualisme, Sectarisme
Marché libre Egalitaire
La typologie culturelle de Mary Douglas
Cette typologie est censée pouvoir s’adapter à un grand nombre de situations, qu’il s’agisse d’une société dans son ensemble ou des acteurs d’un conflit particulier. Selon Douglas, organisationnels sont aussi culturels. Chacun définit en effet des modalités particulières de vie en société, donc une culture spécifique, repérée par l’attachement à certaines valeurs.
La structure hiérarchique est attachée à l’ordre, au respect des convenances et des traditions. L’individualisme valorise l’esprit d’entreprise, la libre compétition et la réussite individuelle. Le type sectaire est très attaché à l’égalité, il se méfie des deux types précédents qu’il soupçonne de comploter contre lui, cette méfiance nourrissant le sentiment identitaire de ses membres, leur « conscience de secte ». Quant à l’exclu, il se définit plutôt en creux par des valeurs mal déterminées, peut structurées, ainsi que par un certain fatalisme devant sa situation.
Mary Douglas s’intéresse aussi à la question de l’identité culturelle et son rapport avec le risque, il souligne que nos valeurs peuvent nous conduire à prendre des risques pare qu’ils sont constitutifs de notre identité culturelle, en les ignorant ou en les minimisant, voire même en les revendiquant.
Dans la perspective de Douglas, les risques peuvent être induits par une culture, car les préférences culturelles induisent des craintes appropriées, le type hiérarchique qui valorise l’ordre craint les déviances qui sapent cet ordre, la secte égalitaire se sert même de ses craintes à l’égard des risques majeurs pour mieux consolider sa cohésion. Il arrive aussi que l’identité d’un groupe soit entretenue par certaines pratiques, et que ces pratiques deviennent après dangereuses pour la société.
Le cas de l’affaire du sang contaminé en France illustre cette situation, malgré les instructions officielles, les centres de transfusion sanguine ont tardé à mettre en place une sélection rigoureuse des donneurs pour éviter de recueillir puis de transfuser du sang contaminé par le virus de sida, mais la sélection risquait d’entraîner une déficience de l’offre de sang, car en France les dons de sang sont gratuits et volontaires, tous sont égaux face au don, lequel assure en outre une forme de lien social. La sélection change le statut du donneur, qui n’est plus considéré comme un inconnu désintéressé, mais comme un suspect, qu’il faut questionner sur sa vie et ses comportements sexuels.
Selon certains sociologues, les risques aussi peuvent être revendiqués par une culture, à travers une identité ou un mode de vie. L’exemple des homosexuels aux Etats-Unis montre clairement cette idée : une partie des homosexuels à lutté pour que son identité soit reconnue, pour que son mode de vie puisse rompre avec la clandestinité. Mais le sida a frappé ce mouvement, en remettant en cause ce mode de vie, alors certains homosexuels ont intégré ce nouveau risque dans leur mode de vie, ils l’on même valorisé, afin de préserver ou de renforcer une identité menacer, donc la prise de risque délibérée est ainsi devenue partie intégrante de leur identité culturelle.
En général, le « biais culturel » est donc peut jouer à deux niveaux. D’abord, nos valeurs cadrent nos expériences, elles influencent notre perception des risques : chacun privilégie selon sa culture telle ou telle source d’information, se représente son corps de telle ou telle façon. Ensuite ces valeurs donnent du sens aux risques, en déterminent la polarité, en distinguant les risques qui sont à craindre, ceux que l’on peut oublier et ceux qu’il faut prendre. Enfin, on peut dire que les risques et les valeurs sont indissociables, car les premiers se trouvant à la source des secondes : c’est à travers le risque de sa vie que l’homme prend conscience de lui-même. Le monde des valeurs se révèle grâce à la capacité qu’a l’homme de se risquer pour elles. Donc c’est à travers le risque qu’on prends dans notre quotidien, que se mesure la valeur qu’on attache à ce pourquoi on accepte de prendre le risque : la résistance est la source de la liberté, le sacrifice est la source de l’amour. Ce qui fait la valeur d’une valeur, c’est ce qu’on est prêt à risquer pour elle.
Conclusion :
Le monde dans lequel nous vivons se voit par conséquent de plus en plus peuplé et risqué en même temps, toutes les analyses qui mettent l’accent sur l’implication de la science dans la production de l’incertitude et des risques appellent l’attention sur le fait que contrairement au dangers et aux menaces auxquels étaient confrontées les sociétés traditionnelles, les risques sont le résultat de l’activité de ces sociétés, ou encore de leur développement spécifique. Cette remarque permet de souligner la relation entre la science et le risque.
Si sciences modernes sont dépendantes et créatrices d’un climat d’incertitude qui les stimule et qui légitime de nouveaux investissements, elles sont productrices d’incertitudes et de risques, non pas uniquement du fait qu’elles dotent l’humanité d’outils et de moyens nouveaux dont les usages sociaux demeurent inconnus, mais qu’elles sont au moins aussi avides de non savoir que de savoir. Elles questionnent et ouvrent de nouvelles friches en même temps qu’elles en ferment. Aujourd’hui notre société est richement équipée en dispositifs assurant sa permanence dans un monde aux limites incertaines. Ces équipements contribuent à la performance de cette société en même temps qu’ils la menacent et accroissent sa vulnérabilité. Le risque apparaît à la fois comme le résultat d’un embrouillement de situations de plus en plus peuplées d’entités aux potentialités inconnues, soit comme le résultat de situations objectivement complexes, et comme celui de l’émergence d’une sémantique ou d’une ” conscience ” témoignant de la réflexivité sociale à un niveau collectif et individuel. Cette relative convergence des analyses des sociologues coïncide avec le fait qu’aucune d’entre elles n’envisagent une issue à cet état de fait. Cette absence s’inscrit dans la sémantique du risque et témoigne de la pertinence de la thèse de l’accroissement de l’incertitude à notre époque.
Les gens doivent donc continuer à subir les conséquences des risques, qui sont partout et ceci est rappelé à l’homme à chaque fois que la nature est touchée. Le problème devient un problème international, en effet les polluants par exemple ne sont pas stoppés aux frontières, il faudra donc arriver à une politique internationale sur l’environnement. La société du risque ne dépendent pas de notre naissance tout le monde peut être touché. Car même si les risques sont invisibles ils peuvent entraîner plusieurs problèmes. Nous sommes face à des menaces invisibles mais potentiellement bien réelles.
- Les références bibliographiques :
1- Burton-Jeaugros Claudine. Culture familiale du risque, édition Antthropos, Paris, 2004.
2- Patrick Peretti-Watel. La société du risque, édition la Découverte, Paris, 2001.
3- Callon Eric. La gestion des risques, principes et pratiques, édition Lavoisier, Paris, 2007.
4- Beaudoin Jean-Pierre. A l’écoute du risque, édition Organisation, Paris, 2001.
5- Danancier Jacques. Evaluer et prévenir la violence dans les établissements sociaux, édition Dunod, Paris, 2005.
6- Rey Calorine. Les adolescents face à la violence, édition Syros, Paris, 2000.
7- Arezki Dalila. L’identité berbère : de la frustration à la violence, la revendication en kabylie, édition Seguier, Paris, 2004.
8- Molaro Chritian. Violence urbaine et violence scolaire, édition l’Harmattan, Paris, 2002.
9- Frau-Meigs Divira. Les écrans de la violence, enjeux économiques et responsabilités sociales, édition Economica, Paris, 1997.
10- Neveu Erik. Sociologie des mouvements sociaux, édition la Découverte, Paris, 2002.